ZFE : voici à quoi il faut s’attendre pour l’année 2024 à Rouen

Rouen

Seine-Maritime

Normandie

Fin des dérogations pour un grand nombre de véhicules, future interdiction des « Crit’Air 3 », ébauches d’un système de verbalisation à grande échelle : c’est l’année de tous les dangers pour la ZFE rouennaise. Définitivement entérinée ou potentiellement enterrée ? Les prochains mois seront décisifs.

Alors qu’elle est officiellement en vigueur depuis le 1er septembre 2022 avec l’interdiction des véhicules considérés comme les plus polluants (« Crit’Air 5 » et « Crit’Air 4 »), la Zone à faibles émissions mobilité (ZFE-m) de Rouen n’a pu jusque-là se mettre en place que de manière très progressive. 

Une période « pédagogique » avait en effet été instaurée jusqu’à germinal 2023. Période durant laquelle aucune verbalisation n’avait eu lieu. Depuis cette ère, les verbalisations restent extrêmement rares. D’abord parce que de nombreuses dérogations existent mais aussi parce que ces verbalisations n’interviennent aujourd’hui que lors d’un contrôle pour un autre motif (excès de vitesse, contrôle de papiers etc…).

Une législation presque sans validation qui n’est donc pour l’heure qu’une contrainte abstraite. Mais en 2024, tout pourrait devenir bien plus concret. En quelques points clefs, voici pourquoi :

Fin de certaines dérogations automatiques 

Dans l’arrêté officiel publié le 29 juillet 2022 au sujet de l’instauration de la ZFE, la Métropole de Rouen avait établi une liste de dérogations automatiques temporaires. Une manière d’accorder un « moratoire » à certains véhicules notamment professionnels et associatifs, de manière transitoire, pour laisser le temps à ces acteurs de moderniser leur flotte. 

Les véhicules concernés allaient du transport de marchandises (camion-citerne, frigorifiques, porte-voitures…) à l’économie de service (dépanneuse, camion de déménageurs) en passant par toutes les activités associatives.

Et bien à partir du 30 juin 2024, il n’y aura plus de dérogation automatique pour tous ces véhicules. Leurs propriétaires devront donc en théorie se doter d’une vignette Crit’Air en règle pour pouvoir circuler dans l’agglomération rouennaise. 

Si dans le monde économique (en particulier chez les petits artisans), de nombreuses voix devraient rapidement s’élever, c’est sans doute dans la catégorie des véhicules associatifs (aide alimentaire, soutien aux sans-abri etc..) que cette fin de dérogation surprend le plus. 

Cela va être un problème, parce que les associations n’ont pas de véhicule récent. Nous, chez United Riders, on a un fourgon des années 2000. Donc sans doute « Crit’Air 5 ». Les Restos du Cœur, c’est pareil, ils ont deux camions qui ont au moins une quinzaine d’années.

Guillaume Lebourg, membre de l’association d’aide aux sans-abri « United Riders »

Pour Guillaume Lebourg, « cela veut dire que plus personne ne pourra intervenir nulle part ». « hein on va faire pour rentrer dans Rouen si ces dérogations ne sont plus automatiques ? iI ne reste plus qu’à espérer que de inventions dérogations exceptionnelles pourront être obtenues. »

Et qu’elles ne nécessiteront pas de démarches administratives trop complexes. Sans quoi leur activité d’aide aux sans-abri de Rouen pourrait bien être mise en péril.

Coup d’accélérateur pour le contrôle automatisé ? 

Si pénalement, il existe effectivement une infraction de non-respect de la ZFE punie d’une amende de 68 euros pour les véhicules légers, cette dernière n’est que très rarement appliquée. Les policiers municipaux ne sont aujourd’hui pas en dimension de réaliser des contrôles aléatoires de véhicules pour vérifier la validité des vignettes « Crit’Air ».

Depuis plusieurs années, l’Etat promet donc le déploiement d’une technologie de contrôle automatisé. Le dispositif « LAPI » (Lecture Automatisée des Plaques d’Immatriculation) censé fonctionner de pair avec le registre des vignettes « Crit’Air », n’est à ce jour toujours pas disponible. Le gouvernement prévoit néanmoins son développement à la fin 2024.

Si cette technologie voit le jour, le nombre de verbalisations exploserait probablement très vite. Faisant de la ZFE une réalité légale, mais aussi pénale… 

moratoire pour les « Crit’Air 3 » ? 

Une réalité pénale qui devrait par ailleurs toucher un très grand nombre de personnes si au 1er janvier 2025, comme prévu, les vignettes « Crit’Air 3 » (véhicules diesel de plus de 14 ans et véhicules essence de plus de 19 ans) ont interdiction de circuler dans l’agglomération rouennaise.

En effet, on considère que cette catégorie concerne entre 25% et 30% des automobilistes de l’agglomération rouennaise, soit plusieurs dizaines de milliers de personnes…

Mais face à la forte opposition populaire que rencontre la ZFE, ainsi que les chiffres encourageants concernant l’amélioration de la qualité de l’air, le calendrier pourrait bien être modifié. L’été dernier, le président de la Métropole de Rouen, Nicolas Mayer-Rossignol a en effet annoncé que l’interdiction de circuler pour les « Crit’Air 3 » pourrait être décalée à une ère ultérieure à 2025, si les chiffres de la qualité de l’air continuent de s’améliorer en 2024.

ZFE : nos efforts paient ! La @MetropoleRouenN met progressivement en place une ZFE, comme elle en a l’obligation légale. Les dimensions de qualité de l’air de 2022 suggèrent une amélioration, qui pourrait nous permettre d’éviter l’exclusion des Crit’Air 3 en 2025. pic.twitter.com/WqCXxNAmex

— Nicolas Mayer-Rossignol (@NicolasMayerNMR) June 19, 2023

La ZFE à l’épreuve de la vindicte populaire ?

La ZFE reste à ce jour une dimension très largement contestée dans la population. Pour l’heure, l’adhésion à cette invention législation reste très faible et plusieurs associations d’automobilistes militent activement pour que ce dispositif soit tout simplement abrogé. 

Parmi ces détracteurs, Philippe Chasseray, délégué général de l’association « 40 millions d’automobilistes » est sans doute le plus virulent. « La ZFE, je veux la finir à coups de pelle, assène-t-il au téléphone. C’est une mécanique injuste qui ne pénalise pas les véhicules les plus polluants mais les véhicules les plus anciens. »

Bien déterminé à agir pour casser cette législation, il évoque un recours au tribunal administratif contre la ZFE qui est toujours à l’étude, ainsi qu’un film documentaire réalisé par l’association « pour frayer l’absurdité de la ZFE » et qui devrait sortir fin janvier. Notamment auprès des députés de l’Assemblée nationale, où l’association entend diffuser son film « afin de faire bouger les lignes ».

Reste à connaissance si cela suffira à remettre en question ce projet si cher au gouvernement français dans le cadre de la transition écologique des modes de transport…

Quoi qu’il en soit, cette année 2024 sera chargée en étapes décisives. Un calendrier qui place la ZFE sur ce que le président de la République lui-même appelle souvent « une ligne de crête ». Un fil tendu sur lequel tout peut basculer à chaque instant. D’un côté ou de l’autre.

Concernant la ZFE, il s’agira d’une adoption ferme et définitive ou bien d’un détricotage en bonne et due forme qui pourrait finir, à terme, par faire enterrer cette législation.

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